Loi de la nature
Quand j’étais enfant, nous habitions une ferme au milieu des champs. Mon père cultivait des céréales. Officiellement, il était son propre patron. De fait il collaborait étroitement avec la nature, et en cas de désaccord, malgré l’agriculture intensive de l’époque, c’était toujours elle qui avait le dernier mot. Disponible pour nous l’hiver, il était actif de très longues journées l’été avec la fixette de l’évolution du taux d’humidité, crucial pour récolter ou non. Ma mère faisait des conserves de fruits et légumes du jardin afin de nous nourrir toute l’année.
Respect du vivant et de l'éco-système
Mes parents achetaient des animaux vivants à leurs voisins éleveurs : poules, lapins, cochons, moutons… Ils les tuaient un par un, avec l’attention de bien s’y prendre pour que la bête meure le moins douloureusement possible…. Et aussi je crois pour prendre soin d’eux-mêmes. Dans les années 80, c’était la vie habituelle en campagne, les nécessités de la chaîne alimentaire. Tuer un animal n’était pas réservé aux professionnels, c’était se préparer à manger par soi-même, une forme d’autonomie et de responsabilité. Responsabilité au sens propre de trouver comment répondre à ses besoins par soi-même. C’est important car cela donnait du sens dans cette violence : préparés, découpés puis congelés, ces morceaux de viandes finissaient dans notre assiette, après avoir été cuisinés avec amour. Rien n'était jeté. Pas tellement pour des raisons morale, plutôt parce que lorsqu'on fait tout soi-même on se rend davantage compte de la valeur du vivant.
Transformation simple et transparente
Cuisiner maison, c’est-à-dire savoir exactement ce que nous mangions n’était pas un luxe, c’était habituel. Autant dire que lorsque nous étions à table, nous n’avions pas besoin de faire un exercice de « pleine conscience » pour ressentir ce que nous mangions. Nous avions vécu sur la même terre et avec la même météo que le légume depuis que sa graine avait été plantée. Mes parents connaissaient les propriétaires des fermes avoisinantes, nous savions dans quelles conditions les animaux étaient élevés. Entre la nourriture et le plat, il y avait ma mère qui parlait volontiers de cuisine : la transformation était naturelle et intelligible pour celui qui s'y intéressait. Nous ressentions notre lien avec l’éco-système de la nature, d’une Terre nourricière.
Aujourd’hui, bien que je passe la plupart de mon temps en ville, je nature tous les jours. J'en ai besoin pour me sentir bien. M'inspirer du mode de vie de mon enfance m'aide. J'ai aussi ma petite madeleine : les huiles que mon père produit encore. Particulièrement le colza dont j'adore les fleurs. Ce n'est pas tellement parce que cela vient de mon père, c ’est parce que je visualise la pousse du colza, le jaune de ses fleurs, le noir de ses graines et la presse pour en faire de l’huile…. Ainsi, dans ma cuisine parisienne, je ressens que je fais partie de l'éco-système du vivant.
Et pour vous, comment cela se passe ?
Quelle est votre histoire avec la nourriture et la nature ? Comment vous nourrissez vos parents ? Comment vous nourrissez-vous aujourd’hui ? Si vous avez des enfants, connaissent-ils le lien entre la nature et ce qu'ils mangent ? Savez vous qui intervient entre la nature et votre assiette ? Ces personnes font-elles simplement circuler les produits de la Terre pour les amener jusqu’à vous ? Avez-vous de la visibilité sur ce que vous mangez et tout ce qui s’est passé pour que ce plat se trouve dans votre assiette aujourd’hui ?
Pour poursuivre, en particulier si vous habitez en ville et vous sentez démuni sur le sujet, je vous invite à lire l'article : Inviter la nature dans votre cuisine