Il faut, "BIEN manger"
Le « Il faut manger » a évolué, ces dernières décennies, en un diktat : « il faut BIEN manger ». A priori tu es d’accord.
Pourtant, de fait, ce sujet est un ENORME BORDEL !
- Parce que c’est très important de bien manger, sous peine d’être gras (sous-entendu : moche et non désirable), en mauvaise santé au point d’être handicapé ou de chopper des maladies mortelles (et là, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même…). J’ajouterai aussi quelque chose que l’on dit moins et qui s’appelle le présent : ce que tu manges a une incidence sur comment tu te sens physiquement, et aussi ta clarté ou ta confusion intellectuelle immédiate.
- Parce qu’il est complètement impossible de savoir ce qu’est « bien manger ». Les propos des experts évoluent en permanence et ils sont souvent contradictoires.
- Parce que même quand tu as l’impression de comprendre un truc ou que tu choisis une école de pensée, tu sens un vague conflit entre « bien manger » et le « plaisir de manger » : pas très excitant de renoncer aux plaisirs pour courir après une bonne conscience qui en demande toujours plus.
Et puis aussi la nourriture :
- a une dimension psychologique importante. Parfois, consciemment, tu manges (ou tu t'empiffres) pour gérer une frustration ou un grand vide existentiel. D’autres, tu as tellement envie d’elle (ou de lui) que la seule faim que tu sens est sexuelle… ou encore, ta faim apparaît d’un seul coup, très intense, lorsque tu oublies l’heure du repas tellement tu fais un truc absorbant intellectuellement
- peut susciter des addictions... ou des dégoûts
- peut être dangereux : périodiquement on interdit un additif alimentaire, parce qu’on découvre que ce n’est pas une bonne idée du tout, bizarrement très longtemps après avoir commencé à l’introduire dans les aliments. Alors que ce que l'on mange est à peu près mille fois plus contrôlé qu'il y a 59 ans, le principe de précaution... et patin-couffin...
- influerait sur ton apparence physique : se sentir trop mince ou trop gros peut être lié à 2 ou 10 ou 20 kg en plus ou en moins…
- a une dimension sociale : certains ne parviennent pas à manger seul, manger entretient les liens, ou pas, si l’on refuse un plat pourtant préparé avec tellement d’amour…
Un grand bordel, je te le dis.
Comment te reconnecter à tes sensations de faim, de satiété et de plaisir gustatif, et les prendre pour guides ?
Poser correctement un problème c'est la moitié de la solution, il paraît. Aussi, je te propose de faire évoluer la question de la nourriture : de l’extérieur à l’intérieur de toi.
Que penses-tu de passer de « comment bien manger ? » à « comment te reconnecter à tes sensations de faim, de satiété et de plaisir gustatif, et les prendre pour guides ? ». Cela aura pour conséquences que tu mangeras bien.
Avec la proposition suivante de ce qu’est « bien manger », pour toi spécifiquement :
- Aux moments pertinents : heure, fréquence
- La diversité et la qualité des aliments
- Les quantités adaptées à tes besoins du moment
Tu peux bien sûr aussi écouter les experts de la nourriture, du moment qu’ils ne te détournent pas de ton chemin ;-) ton chemin, c’est tes sensations.
Saches dès maintenant que cela fait plusieurs décennies que tu es plus ou moins loin de tes sensations, donc c’est normal que la route soit longue.
Je te propose 2 indicateurs pour commencer :
- distinguer la faim, de l’envie de manger. Si ce n’est pas claire pour toi observe ton entourage, même les petits enfants dise parfois « j’ai faim », pour « j’ai envie de manger ».
- entendre le type d’aliment dont ton corps a besoin : plutôt du riz, des haricots verts ou une banane ?
Oui, le point 2 est bien un niveau 2. En même temps il peut arriver plus vite que tu ne le penses, cela peut surprendre. S, si je t'assure, je te parle d'expérience.
Je m’intéresse sérieusement à la nourriture depuis environ 15 ans. Cela fait seulement 4 ans que j’explore la reconnexion à mes sensations. Parfois cela fonctionne très bien, parfois moins. Ce qui est permanent, en revanche, est qu’au moins aujourd’hui, je me rends toujours compte, quand je suis en harmonie avec mes besoins, ou quand je me sers de la nourriture pour autre chose que ce qu’elle est.
Des pistes pour te lancer : devenir ton meilleur guide sur tes besoins alimentaires et y prendre plaisir
Quelques idées pour te lancer, à tenter une fois par semaine ou une fois par mois, pour commencer :
- Le goût de la nature « nature » : choisir une poire (mûre !), une carotte, un concombre, une fraise ou autre fruit ou légume qui se mange cru. S’installer dans un endroit tranquille et imaginer l’histoire du fruit/légume que tu tiens dans tes mains. Que s’est-il passé entre la graine qui a germé et ce moment-là ? Le toucher, sentir, puis mordre dedans tranquillement. Prendre le temps de ressentir sa texture, les différentes saveurs, et mâcher jusqu’à ce qu’il devienne impératif d’avaler.
- Le goût de la nature « nature » niveau 2 : même chose avec un aliment qui se mange cuit, cuit à l’eau ou la vapeur, sans rien d’ajouté (RIEN = ni sucre, ni sel, ni beurre, ni huile, ni poivre….. RIEN !). Tu peux reprendre la carotte ou la poire. Mon préféré pour ce jeu est la pomme de terre. Pomme de terre si souvent transformée ou assaisonnée alors que pure, c’est une merveille.
- Manger exactement comme d’habitude, sauf que tu le fais en silence et au ralenti : mâche à fond chaque bouché, fais-en de petites, et concentre-toi sur les sensations de ton corps. Quand tu n’en veux plus tu arrêtes. Oui, même si tu as très peu mangé. A priori tu vis entouré de nourriture, donc no panic. Ce que tu pourrais découvrir c'est de nouvelles sensations de bien être, plus que de tomber d'inanition ;-)
- Faire une expérience de « sans » : si tu penses que tu as une addiction avec le sucre (un peu comme tout le monde), tu peux tenter une expérience, sans sucre, pour voir ce qu’il se passe. Pense tout de même que ton organisme a besoin de sucre pour fonctionner, consomme donc des aliments en contenant naturellement chaque jour. Le sucre existe dans tous les fruits. L’alcool est aussi très sucré, mais pour le coup je ne le mettrai pas dans la catégorie des sucres proposés par la nature : c’est la différence entre une grappe de raisin et du vin ;-)
Dans la catégorie des « expériences sans », tu peux aussi faire sans sel, sans alcool, ou sans piment.
Voilà les quelques idées du jour pour initier une prise de conscience et des petits changements d’habitudes. Comme pour Dormir, je te recommande aussi d’observer la nature. La nature est ton alliée. Si tu n’as pas pour habitude de cuisiner (par autodéclaration d’incompétence, flegme…), tente l’expérience de préparer toi-même un repas. Ce n’est pas vraiment cuisiner. Préparer ton repas, c’est choisir des aliments bruts, tels que fournis par la nature, et que tu aimes bien. S’ils se mangent crus, tu découpes ou tu croques, s’ils se mangent cuits, tu fais cuire le plus simplement possible. Ensuite, tu peux aromatiser : des herbes, une épice, une huile, un peu de sel, du poivre… Et tu les dégustes, mélangés, ou l’un après l’autre, comme tu le sens.
Note dès maintenant que, à ma connaissance, l’expérience la plus efficace pour « remettre les compteurs à zeros » dans ta relation à la nourriture, c’est le jeûne. Oui, parce que toi, comme tous les êtres humains, tu peux ne pas manger pendant plusieurs jours sans que cela ne t’abîme, et sans même avoir faim. Tu passeras même un très bon moment, si cette expérience est préparée de façon pertinente pour toi. Je sais c’est difficile à imaginer avant de l’avoir expérimenté, mais c’est vrai. Je parle de l’absence de nourriture pas de ne pas boire d’eau. Avec la bonne méthode, tu n’auras pas faim. Peut-être que tu auras envie de manger, cela permet de ressentir la différence. Aujourd’hui je te donne l’idée et je t’en reparle plus précisément de l’intérêt du jeûne hydrique, parce que ce sujet est bien plus vaste que celui de la nourriture.
Et bien sûr, je te reparlerai de nourriture et de cuisine, car j’adore ça, et c’est tellement central dans nos vies, autant faire en sorte que cela soit principalement un plaisir, tu ne croies pas ?
En attendant je te laisse sur une citation extraite d’un de mes livres préférés. Je l'ai découvert ado, avec une grande joie. Il est toujours là, il vit en moi plus que sur mon étagère, et les années qui passent lui donnent de la profondeur.
« Si ce que tu manges ne te grise pas, c’est que tu n’avais pas assez faim. » André Gide, Les Nourritures terrestres.
Si besoin je te proposerai une interprétation un autre jour.
En attendant, fais simplement de ton mieux, avec la douceur que tu mérites.